France-Lituanie, c’est ce samedi, à 14h (horaire français). Donatas Urbonas, journaliste lituanien présent en Chine pour la Coupe du monde, décrypte la cuvée 2019 de la sélection balte.
Propos recueillis par Yann Casseville, à Nanjing (Chine)
Comment analysez-vous la préparation et le premier tour de la Lituanie ?
La préparation a été plutôt satisfaisante, jusqu’au tournoi que l’équipe a joué à Séoul, avec l’Angola, la Corée du Sud et la République tchèque. On aurait dit que leur progression s’était arrêtée, et les joueurs étaient mécontents de la façon dont ils avaient joué contre ces équipes plus faibles. Certains d’entre eux doutaient vraiment de leur jeu. Mais tout a disparu quand la Coupe du monde a commencé. Les deux premiers matches étaient proches de la perfection. Ils ont très bien joué pendant 40 minutes contre le Sénégal (101-47), d’où leur victoire de 54 points. Et le Canada aussi n’a pratiquement eu aucune chance (92-69). Je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai vu une équipe aussi disciplinée, qui exécute sa défense à la perfection et qui propose une attaque solide. Tout comme je ne me souviens pas d’une équipe plus soudée, même Jonas Valančiūnas et Domantas Sabonis ont accepté leur rôle quand ils ont été sur le banc par séquences. Ces gars sont prêts à mourir pour leurs coéquipiers. Malheureusement, ils ont perdu leur discipline dans la première mi-temps contre l’Australie (défaite 82-87), ce qui leur a coûté une victoire importante. Mais je dirais qu’ils abordent la France sur une très bonne note. La Lituanie joue vraiment un très bon basket pour l’instant, ce qui nous laisse croire que nous pouvons toujours nous qualifier pour les quarts de finale.
Pour la première fois, l’équipe est basée sur le duo d’intérieurs NBA Sabonis-Valančiūnas. Leur entente fonctionne ?
C’est le premier tournoi qu’ils jouent ensemble. L’an dernier, ils ont joué deux matches de qualification, mais des équipes comme la Pologne et la Hongrie n’étaient pas de vrais tests. Ils aiment jouer ensemble, les statistiques montrent qu’ils sont efficaces, mais ce duo présente à la fois des avantages et des inconvénients. Le principal, c’est qu’ils ne tirent pas de loin. Ils marquent tous les deux seulement dans la raquette, ce qui fixe certaines limites à leur attaque. Leur duo requiert aussi d’avoir des shooteurs autour d’eux. Et en défense, Sabonis se déplace vraiment bien, son jeu de jambes est digne d’un danseur, mais ils pourraient avoir des difficultés face à des intérieurs qui tirent, et je suis curieux de voir comment Amath M’Baye va se comporter dans son duel avec Sabonis. Par contre, évidemment, ils tirent des avantages de leur physique sous les paniers, ce qui permet à l’équipe de gagner la bataille du rebond. Ils ont même dominé la Serbie au rebond dans deux matches de préparation. Mais à chaque fois que Valančiūnas et Sabonis ont joué ensemble, on a eu des problèmes contre l’Australie. Donc on verra comment ils s’en sortent en jouant côte à côte face à des cadors comme l’Australie et la France.
La Lituanie a un noyau dur de joueurs depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui pourrait rendre cette cuvée 2019 spéciale ?
Cette équipe semble très unie. Tous les joueurs, du premier au douzième, plongent pour récupérer un ballon qui paraît impossible à attraper. Ils se soutiennent mutuellement, notre banc est très actif. Les joueurs n’ont aucun problème à laisser leur place sur le terrain à un autre si c’est mieux pour l’équipe. Il n’y pas du tout d’egos. Ce qui est intéressant, c’est que deux très fortes générations sont mélangées. Valančiūnas, Arnas Butkevičius, Edgaras Ulanovas et Rokas Giedraitis ont joué dans la génération 1992 qui a gagné tous les tournois qu’elle a disputés : l’Euro U16, l’Euro U18, l’Euro U20 et le Mondial U19. Et Mantas Kalnietis, Jonas Mačiulis, Paulius Jankūnas et Renaldas Seibutis ont gagné plusieurs médailles en sénior. Maciulis, Jankunas et Seibutis font aussi partie de la génération qui a remporté le Mondial U21 en 2005. C’est un très bon mix entre l’ancienne génération et la nouvelle. Elles vont bien ensemble.
Êtes-vous surpris de voir que la Lituanie, au premier tour, n’a shooté qu’à 29,6% à trois-points (avec seulement cinq trois-points marqués par match en moyenne) ?
Oh oui ! Le trois-points est un gros problème. Avec Valančiūnas et Sabonis sur le parquet, on doit mettre plus de tirs primés, et à un pourcentage bien plus élevé. Les adversaires prennent des risques sur nos joueurs dans le périmètre et ça ne nous aide pas du tout. Cela dit, c’est aussi une énorme marge de progression, parce que nous avons de meilleurs shooteurs que ces chiffres ne le laissent à penser. Giedraitis et Lekavičius sont nos meilleurs spécialistes à trois-points et ils n’en ont pas encore mis un seul ! Ulanovas aussi peut marquer de loin, mais lui non plus n’en a toujours pas mis un. Je m’attends donc à de bien meilleurs chiffres.
La France a vaincu la Lituanie en finale de l’Euro 2013 puis dans le match pour le bronze au Mondial 2014. Est-ce que les Lituaniens ont soif de revanche ?
Je ne pense pas qu’ils soient en quête de revanche. Ce match, c’est une autre finale pour nous, parce que si nous perdons, nous serons éliminés de la Coupe du monde. C’est un match crucial, qui est contre la France. Peut-être que ça représente quelque chose de particulier pour l’ancienne génération, les Kalnietis, Jankūnas, Mačiulis, Seibutis. Mais c’est plus une énorme envie de gagner quelque chose ensemble pour la dernière fois – Mačiulis et Jankūnas vont probablement finir leur carrière internationale après le TQO/les JO 2020 – plutôt que prendre une revanche contre la France. Les matches Lituanie-France sont toujours particuliers. Je m’attends à un match difficile… et que le meilleur gagne !