Pour avoir accompagné le basket français au fil des chaînes de télévision, il est devenu sa voix. À travers ses souvenirs de commentateur, d’hier à aujourd’hui, c’est l’histoire du basket sur petit écran qui se raconte.

 

Quel est votre premier match commenté ?

À Eurosport, dans les couloirs, quasiment la cave de TF1 à Cognacq-Jay – parce qu’on appartenait à TF1. Il y avait une toute petite régie et une cabine, j’avais commenté avec Hervé Dubuisson, on était collé l’un contre l’autre. C’était le Final Four de l’Euroleague 1992, avec Saša Djordjević, Saša Danilović… J’étais jeune, je n’avais pas la perception de ce que représentait l’Euroleague, ni même de la légende qui était à côté de moi pour commenter.

Depuis, vous signez parfois des autographes dans les salles. Ça fait bizarre ?

Ah oui ! Le premier, j’ai le souvenir d’un match à Villeurbanne, à l’époque à la Maison des Sports, et à la fin quelqu’un me demande un autographe. J’étais gêné, déstabilisé, limite mal à l’aise. Je ne savais même pas comment signer ! Depuis, je me suis fait une signature – qui n’est pas la même que celle que je mets sur mes chèques.

Après plus de 2 000 matches commentés, lesquels vous reviennent en mémoire ?

Émotionnellement, il y a France-Grèce 2005 (défaite en demi-finale de l’Euro) qui m’a marqué. Je suis resté prostré pendant vingt minutes, j’ai eu physiquement et moralement du mal à m’en remettre. Et dans l’autre sens, le France-Espagne 2014 (victoire en quart du Mondial). La grande Espagne, et la France sans Tony (Parker), ni Nando (De Colo), on n’avait aucune chance. Et chez elle, c’était encore plus jouissif. Après, les rêves de commentateurs, c’est quand Jérémy Nzeulie met son shoot au buzzer en finale, à Strasbourg, avec Chalon. Et pour la symbolique, le championnat du monde 2002, quand les États-Unis, chez eux, à Indianapolis, se font battre.

La plus grande purge commentée ?      

Récemment, avec Fred Weis, on a fait Milan-Olympiakós, à la mi-temps il y avait 23-23, avec que du jeu en isolation. C’était abominable. Et le pire, ce n’est pas vieux, c’est Pau-Dijon, cette saison. Ça en était tellement pathétique que c’était quasiment Vidéo Gag ! On l’avait traité comme ça, en essayant de mettre un peu d’humour, parce que sinon, tout le monde se barre, même si tu aimes le basket. Mais c’est un exercice délicat, il ne faut pas juste se foutre de la gueule des joueurs.

Un grand moment de télé vécu : une interview, un moment de flottement ?

Un souvenir me revient, fort. À Pathé Sport, on faisait l’émission Basket Infos, le dimanche midi en plateau. On avait Jean-Denys Choulet, à l’époque coach de Gravelines, qui galérait, en invité. Il est venu comme s’il était venu s’allonger sur le divan de son psy. On sentait son impuissance, sa détresse, sa souffrance. Je ne dirais pas qu’il avait les larmes aux yeux, mais pas loin. Un moment très fort. Les gens avaient été sidérés de le voir se mettre à nu, complètement.

L’entraîneur qu’il n’est pas simple d’aller interviewer avant un match ou à la mi-temps ?

Il y en a plein, les mecs sont tellement dans la tension… Freddy Fauthoux par exemple. Il va faire une réponse courte, avec un sourire, sous-entendu : «Je te donne que ça, ne m’emmerde pas à me relancer, j’ai autre chose à penser !» Et si à la mi-temps, ils sont menés, tu as intérêt à bien penser ta question, pour éviter qu’il ne réponde qu’un seul mot. Il ne faut pas arriver à poil devant Fauthoux quand il est mené ! (Il rit)

Quelques temps-mort sont cultes, mais beaucoup montrent un coach baragouinant un mauvais anglais et répétant deux fois pick’n’roll. Quel intérêt ?

Je suis entièrement d’accord. Sur dix temps-morts, quatre sont à peu près intéressants, un super, et cinq sans intérêt. Mais pour avoir ta séquence culte de Laurent Legname qui dit «Vous me cassez les couilles», tu es obligé d’y aller, tant pis si les précédents sont moyens. Et nous, commentateurs, ça nous permet de prendre du recul. Au foot, quand ils enchaînent dix passes au milieu du terrain, tu peux regarder les stats, parler d’autre chose. Au basket, tu n’as pas le temps. Le temps-mort te permet de voir qu’untel est en double-double, et aide au confort du téléspectateur, qui n’a pas un flot continu de deux commentateurs qui parlent sans arrêt.

Dans le rendu du basket à la télévision, quelles améliorations voyez-vous sur les deux dernières décennies ?

Deux choses : le décorum et les moyens de production. Quand tu compares les salles des années 1990 et maintenant, ça n’a rien à voir. Idem, la charte graphique n’existait pas. Sur le terrain, tu avais les lignes du hand, du volley. Maintenant, ça nous ferait saigner les yeux ! Le traitement télé n’a fait que grimper. Mais comme le basket n’est pas un sport suffisamment puissant, ce sera seulement pour quelques occasions fortes. À Canal, j’avais trouvé formidable quand, sur quelques matches majeurs, on avait négocié pour mettre un micro sur des joueurs. On ne pouvait pas être plus au cœur ! On l’a fait cette saison pour le All-Star Game. À titre personnel, j’ai trouvé très triste, alors qu’on faisait ça depuis des années, d’arrêter les micros sur les arbitres. On sait que les gens aiment voir, entendre, comprendre. Ce retour en arrière, alors qu’on n’est pas le foot, je ne suis pas sûr qu’on puisse se le permettre. Mais quand on met des moyens sur le basket, même si ce n’est pas la NBA, il y a moyen de faire un produit extraordinaire. Avec des loupes dans une belle salle, c’est fantastique, mais tu as peu de loupes parce que ça coûte une fortune.

À l’inverse, qu’est- ce que le basket français peut faire, de lui-même, pour améliorer le produit ?

Déjà, on est sur le bon chemin. Des salles mieux éclairées, des maillots plus jolis, des LEDS plutôt qu’un vieux panneau de 1870 pour la boucherie Sanzot… Le dernier truc qui me choque, ce sont les animations. On va me dire que ça coûte de l’argent. Mais le basket souffre de ringardisation pour le grand-public, vis-à-vis de la NBA, donc a minima, ne mettons pas des démonstrations de paso doble ou du club du troisième âge de machin-truc. C’est terrible ! Il faut que les clubs se disent tout le temps : qu’est-ce que je peux faire qui sera sexy ? Pau-Orthez, qui a tout gagné, est arrivé au bout d’un cycle, a eu l’intelligence de se dire : comment proposer autre chose qu’un simple match pour faire revenir le public ? Ils ont travaillé sur leur package, changé le jeu de lumières, quand les joueurs entrent sur le parquet ça a de la gueule, c’est quasiment niveau NBA.

Quant à la médiatisation du basket français, quelle est votre position ?

On est le plus petit des grands sports ou le plus grand des petits. Derrière, à des années-lumière, du foot et du rugby, mais aussi très bien traité par rapport aux autres sports collectifs. On reste devant le handball, même si certains disent le contraire. On est les rois, dans le basket français, pour se flageller. Même si ça prend du temps, on voit que ça a progressé et il faut aussi être fier de ce qu’on fait, avoir une attitude résolument plus positive que négative.

Terminons sur une note plus légère. En termes de consultants, vous avez commenté notamment avec George Eddy, Jacques Monclar, Stephen Brun…

(Il coupe en riant) Ne me demandez pas de choisir !

Si, justement…

(Il réfléchit longuement) Je suis obligé de dire Jacques, parce qu’on avait une complicité absolue à l’antenne, qu’on a l’impression que notre duo a marqué les gens. Le dire me fait mal au cœur, parce que je m’estime archi-privilégié d’avoir pu passer autant de temps aux côtés de George et Jacques, les deux monstres. George, quand j’avais 17 ans, on l’imitait avec mes potes : «Ouh là là, qu’est-ce que c’est fort !» Mon premier match avec lui, c’était comme un rêve de gosse qui se réalisait. Pour Stephen, il faudra en reparler dans quelques années. Je connais son potentiel. Pour moi, c’est le Jacques Monclar 2.0. Sens de la formule, humour, il a le même profil. Il faut qu’il arrive à affiner son truc…. et qu’il se mette à fumer pour avoir la même voix !

 

Dossier complet à retrouver dans Basket Le Mag N°29 – Avril 2019

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