Après avoir entraîné au Chili et en Bolivie, l’Espagnol Ricardo Gonzalez Dávila (44 ans) est récemment devenu le nouveau sélectionneur de la Corée du Nord. Depuis Pyongyang, le coach nous a raconté son quotidien dans le pays le plus secret et hermétique du monde.

Propos recueillis par Yann CASSEVILLE

Pays de 25 millions d’habitants, la Corée du Nord est un régime totalitaire, à parti unique et dynastique. Les Nations Unies ont fait état de crimes contre l’humanité orchestrés par les dirigeants du régime contre leur peuple, estimé que des centaines de milliers d’opposants politiques avaient péri dans des camps de travail, quand d’autres demeurent enfermés. À la tête du Parti du Travail, a tout d’abord officié son fondateur Kim Il-Sung. À sa mort, lui a succédé son fils, Kim Jong-il. Et au décès de ce dernier, en 2011, le petit-fils Kim Jong-un. La passion commune des deux derniers leaders du pays : le basket.

Dennis Rodman est venu plusieurs fois rendre visite à Kim Jong-un à Pyongyang, la capitale, accompagné d’autres anciens basketteurs à la dérive et en quête de dollars, pour des matches d’exhibition à la gloire du dictateur. Que sait-on du basket nord-coréen ? La sélection féminine a disputé trois championnats d’Asie (1990, 2005 et 2015), contre deux pour les garçons (1991 et médaille d’argent en 1993).

Dans le pays le plus hermétique du monde a pénétré un entraîneur espagnol. Entre novembre et décembre 2016, Ricardo Gonzalez Dávila s’est rendu en Corée du Nord diriger les sélections nationales, et devrait prolonger l’aventure en 2017. Durant son premier mois à Pyongyang, nous avons échangé de nombreux mails. Voici son témoignage.

«J’ai été joueur jusqu’à mes 22 ans, notamment à Fuenlabrada en deuxième division. En parallèle, j’avais commencé dans le coaching à 18 ans, et c’était impossible de combiner joueur, coach, études. J’aimais mieux être coach, c’était une sorte de vocation. Jusqu’à il y a cinq ans, j’avais toujours entraîné en Espagne, notamment au premier niveau féminin, à l’exception de deux mois à Montevideo en Uruguay à coacher les sélections masculines. Ensuite j’ai eu l’opportunité d’entraîner au Chili. J’ai passé trois années extraordinaires, à la fois sur un plan basket et au niveau personnel. Nous avons obtenu les meilleurs résultats de l’histoire du Chili. Cette expérience m’a encouragé à continuer de travailler à l’étranger. La saison dernière, j’étais en Bolivie, au club de La Salle à Cochabamba dans l’élite masculine. C’est une très bonne compétition : avec trois Américains par équipe, ça élève le niveau. Après la saison, en août, je suis retourné chez moi avec ma femme et ma fille, à entraîner un club de jeunes jusqu’à ce que survienne la Corée du Nord.

J’ai été contacté par email par le secrétaire exécutif du comité olympique nord-coréen, qui me demandait si j’étais intéressé pour venir entraîner les sélections masculine et féminine. Avant même de parler des conditions, j’ai dit oui. J’avais toujours été attiré par la possibilité d’entraîner en Asie, pour découvrir une culture et un basket totalement inconnus pour moi. J’ai dit à ma femme que l’on m’avait écrit pour partir en Corée et c’est elle qui m’a dit que c’était pour la Corée du Nord. Je n’y ai pas accordé d’importance ; pour moi, depuis le premier jour, ce n’est qu’une affaire de basket. Je n’avais pas pensé aux répercussions et à la nature de cette actualité en Espagne. Un véritable battage médiatique s’est déclenché, dix jours de folie pure : tous les quotidiens, magazines, télévisions et radios m’appelaient. C’était fou, ça m’a dépassé. Une fois l’information publiée, c’était le chaos.

Cinglé ou héros

On m’a dit que j’étais cinglé ou que j’étais un héros, mais beaucoup m’ont surtout dit que j’avais de la chance de pouvoir aller là-bas, où quasiment personne ne peut aller et dont on ne sait pratiquement rien. Beaucoup ne croyaient pas que j’irais, mais me voici ! Auparavant, j’avais joué et entraîné à Cuba, au Venezuela, des pays avec une situation politique très compliquée, et je ne me suis jamais soucié des problèmes politiques, j’ai toujours adopté un point de vue basket.

À l’exception de ma femme, tous les autres ont appris que j’y allais une fois que j’avais déjà signé le contrat, même mes parents, frères et sœurs. L’argent n’a pas été un facteur déterminant. Aucune somme ne peut vous pousser à aller entraîner dans un endroit où vous ne voulez pas aller. Le salaire est bon, mais il est inférieur à ce que je gagnais au Chili, supérieur à celui que j’avais en Bolivie, et bien inférieur à ce que les gens peuvent penser.

Tout le monde m’avait dit que la Corée du Nord est le pays le plus hermétique au monde, il n’y a pratiquement aucune information, si bien qu’hormis un ou deux articles sur Internet, difficile d’en savoir plus. De toute façon, je n’ai jamais aimé en savoir trop sur les endroits où je vais, sinon ça peut vous faire avoir des idées préconçues. Quand je suis allé au Chili ou en Bolivie, je n’avais pas pris trop d’informations sur les pays – bien que je comprenne que ce soient des situations différentes. Je suis venu ici sans aucune idée préconçue. Avant de faire le voyage, à la télévision on m’a posé dix questions au sujet du pays et je ne connaissais aucune réponse.

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Avec chauffeur, guide et traducteur

Si les gens pouvaient venir en Corée du Nord, ils réaliseraient que ça n’a rien à voir avec ce qu’ils pensent. Pour ce que j’ai été en mesure de vivre ici, c’est un merveilleux pays, avec des personnes merveilleuses, en sécurité, ordonnées. Elles m’ont placé dans les meilleures conditions. Même si je suis souvent au gymnase, j’ai eu le temps de visiter, de prendre des photos des sites les plus historiques de Pyongyang. Dans mon hôtel, il y a toujours un groupe de touristes, j’ai pu échanger mon expérience avec eux. Pyongyang est une belle ville, très propre, sûre, avec des équipements sportifs de top niveau. Mon hôtel est sur l’avenue du sport, une grande avenue avec un gymnase de premier plan pour chacun des sports : volley, gymnastique, tennis de table, natation, football, futsal… En me promenant, j’ai dû passer devant plus de vingt-cinq stades différents. Je n’avais jamais rien vu de tel.

Depuis que je suis arrivé à l’aéroport….

Retrouvez l’intégralité de cet article dans le numéro 6

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