Né à l’été 2018, le Paris Basketball a décroché sa montée dans l’élite. Avec une identité forte : donner du temps de jeu aux jeunes. La marque de fabrique de l’entraîneur, Jean-Christophe Prat (49 ans).

 

Propos recueillis par Yann Casseville

 

Neuf joueurs présents depuis deux ou trois ans, seulement deux étrangers, six Français de moins de 25 ans cumulant plus de la moitié du temps de jeu de l’équipe (JuhannBegarin, 18 ans, 27 minutes par match, Milan Barbitch, 19 ans, 19 minutes, Ismaël Kamagate, 20 ans, 24 minutes…)  : la réussite du Paris Basketball casse complètement le cliché, répandu chez ses détracteurs, du « club de nantis ayant acheté la montée » !

Très clairement ! On avait une belle masse salariale (1,1 M€), mais quand on reprend celles des équipes montées les années précédentes, on n’est pas à ce niveau. Surtout, on a pu avoir des joueurs qui normalement n’étaient pas faits pour être en Pro B, comme Nobel (Boungou colo) et Amara (Sy), et leur donner des vrais contrats, parce que quand tu as des jeunes, tu les payes moins cher. Et on n’a que deux étrangers. Je n’ai que peu de considération pour ce qui se dit sur le Paris Basketball, sinon, je me serais déjà suicidé ! (Il rit) On avance, avec l’ADN du club, le développement des jeunes, et quelque chose de différent de ce qu’on a l’habitude de voir, ce qu’a amené David Kahn: quand on croit dans un joueur, on lui signe un contrat longue durée. Après la première année, Dustin Sleva, on l’a resigné deux ans, Gauthier Denis, quatre ans.

Le club ne cache pas ses ambitions. À titre individuel, étant concentré sur le terrain, vous autorisez-vous à penser à l’avenir, à rêver un peu ?

Quand j’ai appris qu’on montait, je me suis revu dans mon canapé le 25 juillet 2018, le départ de l’aventure. On commençait le camp d’entraînement le 16 août, on n’avait pas de joueur, pas de staff, pas de ballon, pas d’équipement. On avait juste un GM, Romuald Coustre, et un coach. La montée m’a aussi rappelé le premier match officiel du Paris Basketball. C’était contre Lille en Leaders Cup, à Rueil car Carpentier n’était pas disponible, il y avait sept spectateurs. Là, je me suis dit : «Waouh, tu t’es embarqué dans un truc bizarre !» (Il rit) On a la tête dans les étoiles, on sait où le club veut aller, la perspective de l’arena en 2023, mais David Kahn répète la même chose depuis le début : «On ne peut aller loin que si on a des fondations solides». La première année, il m’a dit : «Le seul objectif est de ne pas être relégué». Son idée était : après la première saison, chaque année, on essaie de jouer la montée. On ne va pas tout de suite se dire : on met une masse salariale de fou. Non, on bâtit nos fondations. Et même si un jour le club est au plus haut niveau européen, notre ADN sera de mettre des jeunes sur le terrain.

Vous avez été finaliste de Pro B à Denain en 2015 avec Yakuba Ouattara, William Howard, Jerry Boutsiele… Cette fibre jeunes est votre marque ?

Je l’ai toujours eue en moi. À l’origine, il y a vingt ans, je signe un contrat de coach espoir au Paris Basket Racing. Ce jour-là, je me dis que j’ai atteint mon rêve. J’ai toujours rêvé de développer des gamins. C’est le hasard qui a fait que je suis monté dans le monde pro. Et j’ai juste fait en tant que coach pro ce que je voulais faire dans un centre de formation. Si je pouvais mettre quinze jeunes sur le terrain, je le ferais. On en a tant, il faut faire des choix.En Europe, tout le monde nous envie ! On ne se rend pas compte de la richesse qu’on a.

On ne compte plus les clubs qui disent placer la formation au cœur de leur projet mais dont les paroles ne sont pas suivies d’actes. Pourquoi cela : l’obligation de résultats, l’incapacité à voir le basketteur plutôt que son âge ?

Un peu de tout ça. Déjà, il faut un alignement entre le club, le président et le coach, que tout le monde soit aligné sur le risque de lancer les jeunes, parce qu’il y en a. Un coach de Jeep Élite m’a dit récemment : «J’ai un jeune à potentiel, mais il lui faut deux ans pour éclore, et moi, il me reste un an de contrat». Je peux comprendre la pression des coaches, qui sont en CDD. On fait tous le même métier, mais il n’y a pas une façon de le faire, pas d’obligation à mettre des jeunes. Mais si tu décides un projet jeunes, il faut l’assumer. Je ne donne aucune leçon, chacun fait comme il veut, mais quand tu as un projet jeunes, le plus important est d’avoir des cadres stables. Par essence, les jeunes sont inconstants au début, donc il faut que tes cadres soient stables et acceptent d’être plus que des joueurs, des relais du coach.

Et faire comprendre aux jeunes que leur potentiel ne leur donne pas d’acquis ?

Ils s’en rendent compte très vite. Et je n’oublie jamais le côté éducateur. On développe à la fois la technique et l’être humain. C’est peut-être une vision utopique du métier, mais quand je fais des entretiens avec des joueurs que je veux recruter, j’essaie de mesurer leur amour du jeu. S’ils l’ont, je sais que je peux aller loin avec eux ; même un vétéran peut progresser. En revanche, si l’argent, le bling-bling, l’environnement passent avant cet amour du jeu, ça ne veut pas dire que ce n’est pas un bon joueur, mais ce n’est pas pour moi. Je ne sais pas faire. Ma deuxième saison à Denain, j’ai IsaïaCordinier et Yannis Morin. À l’époque, Yannis était un petit Kevin Durant, un gamin de 2,07 m qui pouvait jouer 3-4. Leur trajectoire, au long de la saison, a été différente : Yannis en échec, Isaïa en réussite. Isaïa avait un amour du jeu incroyable et Yannis, malheureusement, était parasité par autre chose. Je l’ai revu il y a deux-trois ans, il m’a dit : «Coach, j’ai 25 ans, mais j’ai enfin compris ton message». À l’époque, je n’avais pas réussi à le débloquer.

Pour un Théo Maledon, capable de jouer dans l’élite à 17 ans, beaucoup de jeunes qui ont besoin de plusieurs années pour éclore. Est-on trop impatient ?

Clairement ! Tous les basketteurs veulent être Tony Parker ou Luka Dončić. Mais il n’y a qu’un Tonyet qu’un Luka. C’est renforcé par la société d’aujourd’hui, où tout est instagrammé, où la réussite doit être immédiate. Sauf que pour réussir, il n’y a pas de raccourci. Regardez Yannis : ça a pris un peu de temps, et il fait une superbe carrière. Chacun son rythme. Fabien Causeur, qui l’eut cru ? Au final, cinq ans au Real Madrid !Je reste persuadé que sauf si tu es drafté au premier tour ou au deuxième par une équipe qui te veut vraiment, comme Théo (Maledon), il vaut mieux être patient et aller en NBA quand tu es prêt, avec un statut. Il ne faut pas faire de la réussite un chemin unique. Et tu sens quand un joueur est prêt pour le grand saut. Isaïa, j’étais persuadé qu’il était prêt. Juhann, il est prêt.

Aucune chance qu’il soit encore à Paris à la rentrée ?

Il est sous contrat. Il va peut-être réussir à accrocher une fin de premier tour, au pire un début de second tour. Je lui souhaite de profiter de son rêve. Il est prêt pour avoir un rôle là-bas.

La Pro B est-elle devenue le terrain d’expression idéal pour les jeunes ?

Oui et non. Il y en a sur le terrain, mais il pourrait y en avoir plus. Après notre première saison à Denain, on est passé de trois à quatre étrangers par équipe. Je suis contre cette règle. La Pro B devrait revenir à trois, on aurait encore plus de jeunes sur le terrain.

En changeant de division, allez-vous être contraint de changer votre identité ?

On va garder le même équilibre : aller chercher des joueurs référencés pour accompagner les jeunes. Ce club veut être un peu le Partizan Belgrade ou plutôt aujourd’hui le ŽalgirisKaunas en France : développer des jeunes, les mettre sur le terrain. C’est beaucoup d’interrogations, après la montée je suis allé voir Orléans-Chalon en Jeep Élite, j’essayais de me projeter, savoir comment mes joueurs s’adapteraient. Le premier objectif sera de se maintenir.

Amara Sy, 40 ans en août, sera toujours de la partie ?

Bien sûr. À l’entraînement, tu as l’impression qu’il a 18 ans. Il a une telle intensité et une telle banane que parfois, il faut le freiner.En tout cas, pour lui et moi, purs Parisiens, voir ce club remonter est un kiff ultime.Je suis un gosse du Racing Club de France, ensuite mon club, c’était le PSG Racing, puis le Paris Basket Racing. Vingt ans après, on a remis Paris sur la carte du basket français, c’est génial ! Et je pense que le basket français a besoin d’un grand club dans la capitale. Il y a de la place pour tout le monde : les clubs régionaux, parce que c’est l’histoire du basket français, trois clubs en Île-de-France…Le seul constat que je fais hors terrain, c’est qu’on a un produit incroyable, moderne, mais qui ne génère pas les revenus qu’il devrait. On a besoin de Limoges, Gravelines, Pau, je ne vais pas tous les citer, mais aussi des grandes villes. Il ne faut pas opposer.Plus tu vas toucher d’univers différents, plus la popularité du basket va être grande.

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Extrait du numéro 54 de Basket Le Mag (juil-aout 2021)