Dans sa quête du maintien, le promu nancéien peut compter sur un atout quantitatif : ses fans. Le SLUC Nancy, qui enchaîne les guichets fermés à Gentilly (6 027 places), est en passe de signer la plus grande affluence moyenne en LNB depuis 2000.

PAR YANN CASSEVILLE, A NANCY • PHOTOS : BLACKRISH ET LOIC WACZIAK/SLUC NANCY

“Boum… Boum… Boum… » Quand Mike Scott s’empare du tambour pour fêter la victoire du SLUC, plus que le bruit de son instrument, on entend battre le cœur de Gentilly. Depuis le début de la saison, Nancy enchaîne les guichets fermés dans son Palais des Sports d’une capacité de 6 027 places. « C’est l’un des meilleurs publics de France », assure Meredis Houmounou. L’avis du capitaine nancéien est biaisé, mais cela n’annule pas la pertinence de son propos. Surtout, sans contestation possible, le public lorrain est le plus massif du basket français. A mi-saison, avec 5 763 spectateurs de moyenne, Nancy était lancé pour réaliser la plus forte affluence de l’histoire du club, et le record en LNB depuis 2000 (voir tableau).

« L’engouement est impressionnant. Si on avait une salle de 8 000 places, est-ce qu’on la remplirait ? Cette saison, je suis sûr que oui », estime Sylvain Lautié. Le coach n’est pas du genre à lancer des paroles en l’air, et il connaît particulièrement bien la maison. Il est l’entraîneur qui a ramené le SLUC dans l’élite en 2022, vingt ans après l’avoir guidé jusqu’au sacre en Coupe Korac. « L’engouement est même plus grand que quand on avait gagné la Korac, et peut-être plus impressionnant qu’à l’époque magnifique de Jean-Luc Monschau. À cette période, il y avait toutes les finales, deux titres de champion, mais il y avait une frustration localement de ne jamais avoir de finale à Nancy, comme ça se jouait à Bercy. »

UNE FERVEUR REBOOSTÉE L’AN DERNIER

Depuis 2000, le SLUC a toujours établi une affluence de 4 300 spectateurs à minima, qu’il évolue dans l’élite ou en deuxième division. « Le terreau est très bon, les bases extrêmement solides, avec un public piqué au basket », savoure le président Aurélien Fortier. Même à sa descente en Pro B en 2017, le club a continué d’enregistrer une affluence moyenne parmi les meilleures du pays. Mais à mesure que les années passaient, avec la pandémie au milieu, une lassitude aurait pu s’installer chez les fans qui, après avoir connu les années fastes et l’Euroleague, devaient se contenter de l’antichambre. « Une lassitude, non, mais une pression pour une remontée en Pro A, oui », indique Fortier. Dans ce contexte, en compostant le billet pour l’élite, « l’équipe de la saison dernière a comme sauvé le club, ce groupe a fait énormément de bien pour le basket à Nancy, parce qu’on était tout doucement en train de glisser, avec la cinquième masse salariale de Pro B », rappelle Sylvain Lautié, revenu en 2019, année ou Aurélien Fortier a pris la présidence.

« Il y avait un manque d’identification du public avec les joueurs. La saison dernière, on a su recréer de la passion autour du club », dit Lautié. « Il y avait eu une cassure entre le public et le club, j’ai bien senti la différence avec les dernières années », confirme Houmounou, présent depuis 2018. « Le club a pris un virage, Aurélien Fortier et Sylvain Lautié ont replacé l’humain au centre. » Houmounou est un symbole. Nancéien de naissance, l’actuel capitaine a touché son premier ballon de basket « vers 4-5 ans » au challenge Batigère, un tournoi de 3×3 mêlant sport et social, partenaire du club, et dont le meneur est aujourd’hui le parrain : « C’est une jolie boucle », apprécie-t-il. « Meredis, c’est un joueur auquel le public peut s’identifier », reprend Lautié, qui cite également Antony Labanca, Caleb Walker ou encore Stéphane Gombauld : « Stéphane est connu au primeur du coin, il échange avec le boucher », sourit le coach. « La saison dernière, on a eu des joueurs charismatiques, un groupe de garçons qui donnaient beaucoup. » Et un lien fort s’est créé entre une équipe et une ville. « Ça a commencé quand on a atteint la finale de la Leaders Cup », se rappelle Houmounou. « Oui, c’était de la Pro B, c’était la Leaders Cup, et on a perdu, mais les gens étaient venus, les regards s’étaient tournés vers nous.

 

“L’ENGOUEMENT EST PLUS GRAND QUE QUAND ON A GAGNÉ LA COUPE KORAC EN 2002 ET PLUS IMPRESSIONNANT QU’A L’ÉPOQUE MAGNIFIQUE DE JEAN-LUC MONSCHAU. SI ON AVAIT UNE SALLE DE 8 000 PLACES,  JE SUIS SUR QU’ON LA REMPLIRAIT.” Sylvain Lautié

Ensuite, on a commencé à enchaîner des victoires en championnat, les gens se sont dit : il se passe quelque chose. Quand je me baladais dans la rue, j’ai vu que ça avait changé, les gens me disaient que c’était possible de remonter, même si on en était encore très loin. Et ça a fini en apothéose, pour le club, et dans la ville. » Guichets fermés face à Chalon-sur-Saône, le match de la montée ; ce soir-là, Gentilly aurait pu accueillir 10 000 supporters. Et pendant que le SLUC retrouvait l’élite, l’ASNL, le club de foot de la ville, descendait en troisième division pour la première fois depuis sa création en 1967. Cette saison, l’ASNL se classe meilleure affluence de National (6 961 spectateurs en moyenne), avec seulement 35 % de remplissage de son stade de 20 0000 places.

LE MOT-CLÉ, LA PROXIMITÉ

En Betclic Élite, le SLUC n’a pas changé de cap : « La proximité avec les supporters, c’est le mot d’ordre », confirme Houmounou. « L’an dernier, Sylvain nous l’avait présentée comme un objectif dès le début de saison, et encore aujourd’hui, il fait en sorte d’avoir des entraînements publics, où les gens peuvent être au contact de l’équipe. Et quand on voit l’engouement pour le club aujourd’hui et ce qu’il en était il y a trois ans, c’est clair et net que Sylvain y est pour beaucoup. » A Nancy, tous insistent sur le rôle central du coach, toujours prompt à échanger avec quiconque. « On essaie de créer du lien et du liant. On ne vit pas dans une tour d’ivoire, ça serait dommage quand même !», lance l’intéressé, listant l’ensemble des actions menées par le club en ce sens. « On fait beaucoup de choses pour s’ouvrir à l’extérieur.

Les entraînements ne sont jamais à huis clos, on accueille des jeunes pendant les vacances, on prend des photos avec eux. On a fait un speed-dating avec les supporters, on a fait venir les abonnés dans les vestiaires, une chasse à l’œuf, on fait des interventions partout dans les quartiers, dans les maisons de retraite, beaucoup d’actions vers le social : les enfants en difficulté, les infirmiers. Et peut-être qu’à force de semer des graines un peu partout, des gens qui viennent une fois ont envie de revenir. »  En une phrase : « On est omniprésent pour qu’il y ait ce lien et que les gens s’identifient », résume le coach. Entretenir cette proximité fait partie du métier pour les joueurs du SLUC. « Quand des nouveaux arrivent, ça se fait naturellement parce que les anciens montrent l’exemple… et parce qu’ils ont l’obligation de le faire, on ne leur laisse pas le choix ! », s’amuse Lautié. « Quand l’entraînement est fini, on ne laisse pas un joueur repartir aux vestiaires s’il n’a pas signé des autographes, ou si on n’a pas fait la photo avec le gamin qui est venu pendant ses vacances. »

 

UN GRAND NOM, MAIS UN PROMU QUAND MÊME

Heureux de retrouver la Betclic Élite « pour voir des grands noms, de grandes équipes », dixit Aurélien Fortier, les supporters garnissent surtout les travées de Gentilly pour essayer d’aider leur équipe à se maintenir. Le SLUC, depuis plusieurs mois, flirte avec la zone rouge. « On va devoir se battre jusqu’à la dernière journée de championnat, c’est une saison normale d’un promu dans une salle anormale », décrit Lautié. « Les gens ont envie d’oublier les années de disette et de rêver en grand tout de suite, mais on repart de zéro en Betclic Élite », enchaîne Houmounou. « En remontant, notre objectif était le maintien », rappelle Fortier, ajoutant : « Le public attend avec impatience que Nancy redevienne une terre de basket imprenable, certains me parlent de titre de champion, de coupe d’Europe… Je leur dis : dans les plus belles années, si on peut faire le dernier carré en Coupe de France, les playoffs en championnat, ça sera déjà une sacrée réussite par rapport à la division, qui a énormément changé. »

Cette saison, avec 4,3 M€, le SLUC affichait sur la ligne de départ le quinzième budget. « On devrait finir à 4,5 M€ », précise le président. « Il y a dix ans, avec 4,5 M€, le SLUC était le troisième budget, avec des droits TV, des subventions pour l’Europe, une rétribution de la LNB pour compenser les droits d’engagement. Aujourd’hui, il n’y a plus tout ça. »  Surtout, le club, passé proche de la catastrophe financière en 2019, est encore convalescent. « Quand je prends la présidence en 2019, le capital social de 500 000 € est intégralement bouffé et il y a -775 000 € de report à nouveau. Cela nous a obligés, avec le directeur général Youri Verieras, à faire un plan d’austérité important, pour recréer du capital social. Aujourd’hui, même si on reste dans une situation assez fragile, on va pouvoir aller voir les banques pour leur dire qu’on souhaite qu’elles nous accompagnent sur des projets structurants pour le club. Avant, c’était impossible parce qu’on n’était pas solvable. »  Le SLUC est inspiré par la JL Bourg et la JDA Dijon, deux clubs qui, avec des moyens différents, ont développé des sources de revenus nouvelles. « On veut créer notre propre économie, mais la difficulté est que la salle ne nous appartient pas, on a proposé de faire un bail emphytéotique qui n’a pas reçu d’écho favorable », glisse Fortier, qui a notamment deux projets en tête : acheter un immeuble, afin de loger les joueurs, et développer un musée du SLUC.

 

“QUAND ON VOIT L’ENGOUEMENT POUR LE CLUB AUJOURD’HUI ET CE QU’IL EN ÉTAIT IL Y A TROIS ANS, C’EST CLAIR ET NET QUE SYLVAIN LAUTIÉ Y EST POUR BEAUCOUP.” Mérédis Houmounou

Aujourd’hui, la priorité reste le maintien. Nancy a raté son recrutement (départs de sa propulsion arrière Kyle Vinales/Roberto Gallinat) – « Pour la saison prochaine, on fera plutôt notre marché sur des gens qui connaissent le championnat », indique le président –, mais a encore son destin en mains. Et l’avantage du public. Une salle fait-elle gagner des matches ? « Oui, c’est une certitude », répond Lautié. « Tu peux avoir un coup de moins bien de temps en temps, mais tu l’as moins souvent à Gentilly. »  Fin avril, le SLUC affichait un bilan de 2-13 a l’extérieur, contre 9-6 à domicile. Là où ils jouent à 6 000 contre 5

 

LA MEILLEURE AFFLUENCE DEPUIS 2000

Le SLUC est bien parti pour établir la plus forte affluence moyenne dans le championnat de France, a minima depuis 2000. À l’issue de la phase aller, le SLUC pointait en tête du classement des affluences de Betclic Élite, avec 5 763 spectateurs par match, pour un taux de remplissage de Gentilly de 96 %. Nancy avait une réelle avance sur la concurrence, aucun autre club n’atteignant la barre des 5 500. Enchaînant les rencontres à guichets fermés en cette phase retour, la moyenne lorraine pourrait être revue légèrement à la hausse d’ici la fin de saison. En tout cas, le SLUC va signer le record du club, qui est de 5 310 spectateurs en moyenne lors de la campagne 2008-09. Nous sommes remontés jusqu’a la saison 2000-01, et sur la période, la ferveur locale se confirme, avec aucune saison a moins de 4 300 spectateurs par match ! Et pour en revenir à la saison en cours, le SLUC est tout simplement en passe d’établir un record d’affluence depuis 2000. La meilleure marque appartient pour l’heure à Strasbourg, avec 5 748 spectateurs par match en 2017-18.

 

 

Extrait du numéro 74 de Basket Le Mag (mai 2023)

Retrouvez l’intégralité des articles dans le numéro 74

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