Pour avoir été l’un de ses assistants à Phoenix de 2003 à 2008 et New York de 2008 à 2012, Phil Weber, aujourd’hui en charge des opérations basket aux New Orleans Pelicans, connaît Mike D’Antoni par cœur. Il raconte l’épopée des Suns et leur jeu offensif révolutionnaire.

 

Propos recueillis par Yann CASSEVILLE

 

Mike D’Antoni est arrivé à Phoenix en 2003, comme assistant. Avait-il déjà cette philosophie offensive ?
On en parlait beaucoup, on voyait tous les bénéfices que pouvait apporter le fait de jouer plus vite, avec des postes 5 plus rapides. Quand il est devenu coach principal, il a appliqué ces principes. Il a toujours eu cette philosophie-là en lui. Il vient d’une famille basket, son père était un grand coach au lycée, son frère est coach aussi, ils voyaient les choses de la même façon.

Mike D’Antoni et Phil Weber

Quand Phoenix recrute Steve Nash à l’été 2004, imaginez-vous cette équipe devenir aussi forte ?
On n’avait gagné que 29 matches la saison passée, mais quand Mike avait pris les commandes, on avait posé les fondations avec des jeunes talentueux : Shawn Marion, Amar’e Stoudemire, Joe Johnson et Leandro Barbosa. Dans l’été, on a signé Steve Nash et Quentin Richardson, mais on ne savait pas à quel point nous allions être bons. On sortait d’une saison à 29 victoires ! Et on a commencé la saison par 31-4. On est passé de 29 à 62 victoires, l’un des plus grands bonds dans l’histoire de la NBA. On a pris la ligue par surprise, les autres n’étaient pas prêts à aller aussi vite. Stoudemire aurait eu une très bonne carrière comme ailier-fort, mais il est devenu un membre de la First Team NBA comme pivot. Shawn Marion aurait été un solide ailier mais il est devenu quadruple All-Star comme ailier-fort. On avait de la vitesse à toutes les positions.

Le fameux “body check” de Robert Horry sur Steve Nash lors des Playoffs 2007, à l’origine de la suspension de Stoudemire et Boris Diaw.

C’était un basket plein de liberté ?
Steve Nash était un joueur particulier, l’alchimie était fabuleuse, c’était un groupe spécial. Mike avait cette vision du jeu, et ce style ne marche pas sans la mentalité qu’il a. Beaucoup de coaches veulent tout contrôler. Mais pour obtenir le meilleur de vos joueurs, il faut accepter leurs erreurs. Il faut croire en eux. Un exemple. Si un joueur shoote tôt dans une possession, quel sera son pourcentage ? Je parie que ce pourcentage augmentera s’il shoote quand il ne reste plus que trois secondes ou moins sur l’horloge. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a aucun doute dans son esprit qu’il doit shooter. Ses coéquipiers, ses adversaires, les fans, tout le monde sait qu’il doit prendre ce tir. Jouer avec Mike, c’est ça, c’est ressentir ça. Il faut garder cela comme la chose la plus précieuse au monde, parce que le doute peut tout figer. Mike croit en ses joueurs.

Mais les Suns n’ont pas décroché le titre…
Nous avons joué de malchance. La première saison (2004-05), en playoffs, Joe Johnson se fracture le visage. Pour la finale de conférence contre San Antonio, il a manqué les deux premiers matches, et même s’il est revenu, il portait un masque, le momentum avait changé. Joe était un élément essentiel : il pouvait défendre sur Tony Parker comme sur des grands, ça nous permettait de switcher et de laisser Steve Nash sur Bruce Bowen, qui attendait dans le corner. La saison d’après, Stoudemire a dû se faire opérer de micro-fractures, mais grâce à l’un des joueurs préférés de Mike et moi, Boris Diaw, on est allé en finale de conférence contre Dallas. Et au match 1, notre meilleur défenseur, Raja Bell, s’est blessé. C’est l’année où Miami a été champion et en saison, on les avait largement battus, ils ne pouvaient pas nous tenir. 2006-07, c’est l’affaire de la suspension contre San Antonio, et 2007-08, Kurt Thomas et Grant Hill sont blessés.

Le destin se répète pour Mike D’Antoni. La blessure de Chris Paul fut une nouvelle fois le tournant de cette finale de conférence 2018, perdue face aux Warriors (4-3).

Est-ce que les Rockets d’aujourd’hui sont les nouveaux Suns ?
Oui. Mike applique les principes que nous avons toujours eus. Il faut donner du crédit à la franchise de Houston pour son intelligence. Ils ont reconnu ce qui leur manquait et sont allés le chercher. P.J. Tucker et Luc Mbah a Moute peuvent défendre à tous les postes, Chris Paul a souvent été dans les meilleurs cinq défensifs. En attaque, Harden et Paul jouent si bien le pick’n’roll, ils savent prendre leur temps. Ça ne me surprend pas que leur pace (nombre de possessions sur 48 minutes) ait diminué. Tout le monde dit qu’à Phoenix, nous voulions shooter en sept secondes ou moins, ce n’est pas ça : on voulait le meilleur premier tir possible. Si l’attaque peut le créer en huit secondes, en cinq, peu importe quand, il faut le prendre ! On était l’équipe la plus rapide, et dans la NBA d’aujourd’hui on serait 25e. Même chose pour le nombre de trois-points tentés. Mike et moi pensons que la perception publique a en quelque sorte limité ce que nous allions faire. On n’a pas mis tapis. Si on savait ce qu’on sait aujourd’hui, on serait allé plus loin. Tu as un trois-points ouvert ? Il faut le prendre, c’est du bon sens. Aujourd’hui, ça pourrait être l’année de Mike. Il le mérite, il a toujours cru en cette philosophie. Il a trouvé une équipe qui peut jouer presque à la perfection comme il a toujours essayé de le faire.

 

Article extrait du numéro 19 de Basket Le Mag  (Mai 2018)