L’Espagnol Roger Esteller (1,91 m, 45 ans), médaillé d’argent à l’Euro 1999, est un enfant de Barcelone. Là-bas, il est né, a été formé, a remporté deux Liga et une Korac, et y vit toujours. En deux saisons dans l’Hexagone, à Pau de 2000 à 2002, «Le Tigre de Sants», champion 2001 et MVP étranger 2002, a laissé d’excellents souvenirs.

 

Propos recueillis par Yann CASSEVILLE

 

Roger Esteller n’a joué que deux ans en France, pays qu’il a quitté en 2002. Pourtant, il a effectué toute l’interview en français. «Dès que je parle avec des Français, la langue me revient. J’ai appris rapidement, avec le cinéma, la télé, les coéquipiers. Mais sans professeur, je n’ai pas le côté académique. C’est la volonté d’apprendre, de te mélanger avec les gens. Et une question de respect. Quand tu viens jouer en France, tu prends le travail d’un citoyen français, la moindre des choses est d’apprendre sa langue. C’est ce que je voudrais que quelqu’un qui vienne dans mon pays fasse.»

Qui était votre coéquipier préféré ?

J’ai beaucoup de bons amis, mais le meilleur – et je ne dis pas ça parce que je parle à un média français –, c’est Fred Fauthoux. Mon meilleur pote. Le mec avec qui j’ai eu la meilleure relation, sur le terrain comme en dehors. Un homme de confiance. Il y a aussi Efthimios Rentzias, un Grec, à Barcelone. Aucun des deux n’est Espagnol, c’est bizarre, non ? (Il rit) Je suis toujours en contact avec Fred. Depuis qu’il est à Paris, il me dit de venir lui rendre visite, je prévois de le faire. Je savais quand il était joueur qu’il allait devenir coach. Il devait être coach. Il l’était déjà sur le terrain !

 

L’adversaire le plus difficile sur lequel défendre ?

J’ai défendu contre Níkos Gális à 18 ans. Sinon, Vincenzo Esposito. La première fois que j’ai joué contre lui, il m’a marqué sur la tête. Et à chaque match, il m’a mis 6-7 trois-points. Tous «in my face».  Je n’ai jamais su comment défendre contre lui, jamais. Il m’a cassé, il m’a tué ! (Il rit) Après, il y a aussi Antoine Rigaudeau. Il pouvait jouer en NBA, sans problème. Il était comme Dejan Bodiroga, mais avec plus de physique.

 

L’entraîneur qui a le plus compté ?

Celui qui m’a entraîné le plus longtemps et m’a le plus marqué, c’est Aíto. Il était un niveau au-dessus. L’expérience est utile dans le basket, et si tu es capable de te recycler, tu peux continuer dans ce métier. C’est l’exemple d’Aíto, qui a 71 ans. Il a su voir le basket d’une autre manière, parce que le jeu a évolué. Aujourd’hui, il y a plus de talent, de physique, mais pour moi c’est plus ennuyeux. Ça a tendance à devenir un jeu de pick’n’roll, je préfère le basket avec plus d’équilibre entre jeu intérieur et jeu extérieur.

 

Le coéquipier le plus drôle ?

C’est encore Fred. On était presque tout le temps à se demander quelle fête on pourrait faire. Je l’ai vu à Barcelone il y a quatre-cinq mois, on était à l’hôtel, on a bu… Je ne sais pas, peut-être dix bières. Comme au bon vieux temps.

 

La plus grosse troisième mi-temps ?

Quand on a gagné la Copa del Rey avec Manresa, le plus petit budget du championnat, contre Barcelone, la meilleure équipe d’Europe, après deux prolongations. C’était la super fête. Elle a duré deux jours ! On a commencé à Murcia et on a fini à Manresa. Inoubliable.

 

Votre meilleur souvenir ?

Je l’ai parfaitement en mémoire. J’ai quitté Barcelone pour signer à Vitoria, et on est allé jouer à Barcelone, qui n’avait pas perdu  à domicile depuis un an. Et on a gagné. J’ai fait un très bon match, et à trente secondes de la fin, mon entraîneur, Salva Maldonado, m’a sorti. Tout le Palau Blaugrana, qui était plein, plein, plein, s’est mis debout et m’a applaudi en scandant mon nom. J’en ai pleuré, parce que c’était incroyable. Ils perdaient et ils ont fait ça. Je n’oublierai jamais.

 

Et le pire souvenir ?

Ma blessure à Malaga. J’avais été blessé trois semaines, des problèmes avec mon tendon d’Achille. Je suis revenu, j’ai marqué 25 points, et sur la dernière action du match, j’ai smashé et suis retombé sur le pied d’Alberto Angulo. Je me suis cassé la cheville. Ma première et dernière blessure.

 

Le joueur actuel qui vous ressemble ?

Fernando San Emeterio. Je n’étais pas un spécialiste, un joueur qui fait une chose super bien, j’étais complet. Défense, shoot, pénétration, passe… Je n’étais pas un grand joueur, une star, mais j’étais utile pour l’équipe. San Emeterio fait plein de choses offensivement, et même défensivement.

 

Sa vie aujourd’hui

«Je suis un business consultant»

Aujourd’hui, Roger Esteller regarde de nouveau la Liga, l’Euroleague, après avoir coupé avec le basket pendant les premières années qui ont suivi sa retraite. Sa reconversion s’est effectuée dans le monde entrepreneurial. «Je suis un business consultant, je travaille pour beaucoup d’entreprises, des grosses, comme la Caixa, et des petites. Je construis un outil de diagnostic, application pour entreprises. Je suis également coach mental de sportifs professionnels, dans le basket, le foot. C’est ça que je veux faire dans le sport. Pas coach : c’est trop tard, il y a peu de places, c’est très dur, et vous ne maîtrisez pas tout.»

Extrait du numéro 19 de Basket Le Mag (Mai 2018)