STADE ROCHELAIS : ESSAI TRANSFORMÉ

En intégrant le giron du Stade Rochelais, double-champion d’Europe en titre au rugby, le club de basket de La Rochelle s’est lancé dans un excitant projet. Promue en Pro B en 2022, l’équipe est actuellement leader de la division, malgré le 12e budget et l’étroitesse de sa salle. Les dirigeants travaillent à long terme. Explications avec le président Charles Kloboukoff, le directeur général Aymeric Jeanneau et le coach Julien Cortey.

PAR YANN CASSEVILLE • PHOTOS : STADE ROCHELAIS

La Rochelle et le basket, l’association ne date pas d’hier. Le club originel, Rupella, fut fondé en 1932. « Le basket est ancré en ville », appuie le président Charles Kloboukoff (également président-fondateur de Léa Nature, entreprise spécialisée dans les produits naturels, partenaire de longue date du rugby). L’équipe avait atteint la Pro B entre 1989 et 1996. « Il y avait Don Collins, Freddy Hufnagel, des joueurs qui ont marqué le club, et il y a toujours une ferveur locale née de ces années », poursuit Aymeric Jeanneau, le DG.

Basket Le Mag Stade Rochelais

Le stade Rochelais peut compter sur un public fidèle à chaque match.

Vivotant entre N2 et N1, le club a entamé un excitant chapitre en 2018 en intégrant le giron du Stade Rochelais, dont l’équipe de rugby est double-championne d’Europe en titre et aligne un budget de 35 M€. « L’idée est née aux Francofolies il y a environ huit ans. Je me suis retrouvé notamment avec Pierre Venayre, DG du Stade Rochelais, Dominique Salbreux, président historique du basket, et j’ai dit à la volée : est-ce que ça ne serait pas intéressant de se réunir sous les mêmes couleurs ? L’idée a mûri et un jour, c’est allé plus loin », raconte Kloboukoff. Ainsi est né le Stade Rochelais basket, reprenant les célèbres couleurs jaune et noir et le logo bien connu de l’ovalie. « C’est un club, deux sociétés différentes, et pour le basket, le Stade Rochelais est actionnaire majoritaire à 60% », précise Jeanneau.

LE STADE ROCHELAIS, UNE MARQUE

« Quand la création de la section basket fut faite, on était à l’époque sur un budget très modeste de 900 000 €. Cette saison, on est passé à 2,56 M€ (le 12e de Pro B). On a fait un énorme bond en cinq ans », resitue le président. « La popularité du club de rugby – qui n’est pas le fait d’un grand sponsor mais d’un travail dans le temps et qui s’est bâtie avec un esprit collégial a contribué à nous donner une certaine crédibilité et une aura. »  « Il y avait déjà un public basket, et le fait que ça devienne Stade Rochelais, il y a une marque, une force de communication, qui donnent envie de venir.

Basket Le Mag Stade rochelais

De gauche à droite : Charles Kloboukoff, président du Stade Rochelais et Aymeric Jeanneau, le directeur général.

Ici, le jaune et noir, ça parle énormément, le logo est l’emblème de la ville », enchaîne le DG. « Le Stade Rochelais, en ville, c’est vraiment l’endroit où il faut être, le club a une place incroyable. Donc on en bénéficie, ce que représente le Stade Rochelais rejaillit sur nous », témoigne l’entraîneur Julien Cortey. Qui résume : « On est un même et seul club. Le Stade Rochelais a de grosses ambitions pour le rugby et aussi pour le basket.

MOT-CLÉ : MUTUALISATION

Au-delà de l’image, l’apport de l’association avec un poids lourd du rugby se manifeste par la mutualisation à la fois des moyens humains et des infrastructures. « On bénéficie de toutes les infrastructures du rugby. Ils ont leur Apivia Parc, un centre d’entraînement avec self, salles de muscu, de kiné, des médecins, des ostéos, et nous, on partage tout avec eux. On mange avec le staff et les joueurs du rugby, on bénéficie d’un suivi médical incroyable. Tout est mutualisé », savoure Cortey. « L’atout principal, c’est la mutualisation des ressources humaines », intervient Jeanneau.

Basket Le Mag Stade Rochelais

Julien Cortey, le coach du Stade Rochelais Basket.

L’expérience, l’expertise de chaque personne travaillant au Stade apporte une valeur très importante au basket. Sur les pôles sportif, juridique, comptable, etc., il y a une cinquantaine de salariés administratifs, tous bossent pour le rugby et le basket sans faire de différence. Bien sûr, le rugby reste l’activité principale, il y a presque 40 M€ de budget, mais au quotidien, le basket est plus structuré que ce que j’ai connu à Strasbourg », compare celui qui a rejoint La Rochelle en 2020 en provenance de la SIG

L’EXEMPLE DE BOURG-EN-BRESSE

Dans Sud-Ouest, Frédéric Sarre, ancien architecte de Bourg-en-Bresse, le club a la progression naturelle (hors mécénat) la plus bluffante de la dernière décennie, a comparé La Rochelle à la JL. Qui a su grandir grâce à une vision claire et un projet à long terme défini par ses dirigeants, à commencer par le président Julien Desbottes. « La comparaison vient du fait qu’en 2010, le Stade Rochelais rugby écrit un premier plan stratégique de cinq ans. En 2015, un deuxième. Au basket, la plupart du temps, on a peur de se projeter parce qu’on ne sait pas ce qu’on va faire l’an prochain, si on va se maintenir, etc.

Basket Le Mag Stade Rochelais Basket

Cette vision à long terme du rugby m’a beaucoup apporté », réagit Jeanneau. « Nous, si on doit refaire un passage par la N1, on le refera. Oui, ce n’est jamais bon de descendre, mais le projet est de construire, structurer, investir, et à partir de là on peut se projeter à long terme, quels que soient les résultats. » « Tout le monde parle de projet, mais ici, c’est du concret », appuie Cortey. « Il y a une ligne directrice, formalisée, des acteurs administratifs qui œuvrent pour, des actes. Cette vision moyenne et long terme est détachée de la performance sportive. L’an dernier, à 1-8 en début de saison, beaucoup de coaches auraient été chahutés. Moi, j’ai senti la confiance du club. Bien sûr qu’il faut gagner des matches, mais on joue tous les trois jours, donc si on remet tout en cause à chaque match… On garde notre cap et on laisse le temps au temps. C’est un confort de travail. »

LEADER INATTENDU

14e : la place du Stade Rochelais dans nos pronostics parus dans le guide de saison. « C’est affiché dans le vestiaire !», s’amuse Cortey. 12e en 2023, pour son retour en Pro B et pour la première année de l’entraîneur (arrivé en ville en 2022) à ce niveau, La Rochelle fait la course en tête en 2024 : leader avec un bilan de 14-2 au moment de notre bouclage, et une impressionnante série de 11 succès du 31 octobre au 27 décembre.

Basket Le Mag Stade Rochelais Basket

Gaëtan Clerc.

La recette ? Un chef artificier, l’Américain Tray Buchanan (19,5 points de moyenne, une pointe à 45 unités), un lieutenant suédois, Johan Lofberg, repéré à Denain, des JFL blindés d’expérience (Gaëtan Clerc, Alexis Tanghe, Jérôme Sanchez…) ou en devenir, comme le très prometteur Mathéo Leray, prêté par CB. Et surtout, une alchimie collective, illustrée par l’imperméabilité défensive (73,4 points encaissés, la plus faible moyenne). « On est le 12e budget, on n’a pas de gros joueur référencé du championnat à la base, notre force ne pouvait être que collective », commente Cortey, récompensé de la première moitié de saison de son groupe par une place d’assistant au All-Star Game.

Basket Le Mag Stade Rochelais Basket

Alexis Tanghe.

LA POPULARITÉ DU CLUB DE RUGBYA CONTRIBUÉ A NOUS DONNER UNECERTAINE CRÉDIBILITÉ ET UNE AURA.” Charles Kloboukoff, le président

« Les trophées individuels, ce n’est pas mon truc. Mais j’étais fier pour les joueurs, le staff. » Et de montrer qu’il est possible de grimper les échelons, lui qui a démarré sa carrière de coach en 2015, grimpant depuis de la N2 à la Pro B. « En préparation, les premières impressions étaient bonnes, on sentait une réelle volonté de bosser ensemble, on voyait beaucoup de connexions entre les gars, même en dehors du terrain », reprend-il au sujet de son groupe. « Les voyants étaient au vert, mais ça restait de la présaison… » Six mois plus tard, l’aspect rouleau compresseur de son équipe a été salué par nombre d’adversaires vaincus. « La complémentarité des caractères, des personnalités…Il y a quelque chose de particulier dans cette équipe », observe Jeanneau.

Basket Le Mag Stade Rochelais Basket

LA SALLE, UN FREIN ÉVIDENT

« Depuis une dizaine de matches, c’est guichets fermés à chaque fois, on commence à avoir une liste d’attente, c’est chouette !», s’enthousiasme Charles Kloboukoff. Tout en relevant disposer « d’une des salles les plus modestes «de la division : l’enceinte Gaston-Neveur, bien qu’ayant subi un lifting ces dernières années, porte près d’un demi-siècle d’histoire et ne compte que 1 677 places. Trois fois moins que les standards requis pour prétendre figurer parmi les références du basket français.

« Il y a aujourd’hui une prise de conscience, partagée, comprise, que Gaston-Neveur est un frein au développement », dit Jeanneau. « Pour les quatre, cinq années à venir, si on veut rester en Pro B, ce sera difficile de le faire à Gaston-Neveur. Les clubs qui montent de N1 ont des salles et des budgets plus importants. Si on n’a pas une salle qui arrive dans les quelques années, à plus long terme ce sera difficile.» Parole au président qui, déjà avant la pandémie, discutait du sujet avec la ville : « On a un point de passage avec la mairie fin janvier.

“L’ATOUT PRINCIPAL, C’EST LA MUTUALISATION DES RESSOURCESHUMAINES. AU QUOTIDIEN, C’EST PLUS STRUCTURÉ QUE CE QUE J’AI CONNUA STRASBOURG.” Aymeric Jeanneau, le DG

On s’est attaché avec Aymeric à visiter un certain nombre de salles au cours des dernières saisons, on est dans l’évaluation de différents schémas, mais il n’y a rien de défini. On a également mandaté une étude des possibilités d’extension de Gaston-Neveur ou d’installation d’une salle provisoire à un autre endroit. Le rêve serait évidemment de disposer d’une arena sportive mixte de 3 000 à 4 000 places. Mais ça reste encore un idéal et pas un objectif très concret.»

Basket Le Mag Stade Rochelais Basket

Aymeric Jeanneau, le directeur général du Stade Rochelais Basket.

ET EN CAS DE MONTÉE ?

Avec la réduction de l’élite de 18 à 16 clubs en juin, la Pro B offre cette saison un seul ticket d’accession, réservé au vainqueur des playoffs. Un chemin plus qu’escarpé, mais pour une équipe leader à mi-parcours, la probabilité d’en venir à bout doit forcément être anticipée. « On est obligé d’envisager des solutions d’aménagement temporaires pour être aux normes de la Pro A si par bonheur on devait y accéder », acquiesce Kloboukoff. « On ne peut pas refuser une montée. Les solutions, on les trouve toujours, et on trouvera. Ce serait très rapide, oui, mais ça ne l’est jamais trop », ajoute Jeanneau. « Le projet qu’on mène, cette mutualisation avec un club ayant nettement plus de moyens, peut être un modèle intéressant pour le basket français. »

Extrait du numéro 82 de Basket Le Mag (février 2024)

Basket Le Mag Stade Rochelais Basket

Retrouvez l’intégralité des articles dans le numéro 82

Commander ce numéro

Consultez nos offres d’abonnement

Je m'abonne !

Restez informé grâce à notre Newsletter