RÉVOLUTION DE PALAIS

Grâce à l’entrée réussie dans son nouveau Palais des Sports (4 200 places), le Caen Basket Calvados, évoluant en N1, se classe dans le Top 10 des meilleures affluences du basket français cette saison. Un engouement fort pour un club historique, qui aspire à retrouver la LNB.

PAR YANN CASSEVILLE • PHOTOS : CAEN BC 1437

Pierre Salzmann-Crochet n’avait pas choisi cette musique par hasard. Dans « The Nights», d’Avicii, il avait repéré ces paroles : «Ce sont les nuits qui ne meurent jamais». Alors le speaker du Caen Basket Calvados a lancé le son du DJ suédois « pour dire que dans ce Palais, on allait vivre des nuits dont on se souviendrait ». Le décompte avec le public, les élus qui appuient sur un buzzer installé au centre du parquet, l’explosion de lumières : le CBC venait d’inaugurer sa nouvelle maison, le Palais des Sports Caen-la-Mer (4 200 places).

Caen Basket Calvados

Le Caen Basket Calvados et sa nouvelle maison : le Palais des sports Caen-La-Mer avec 4200 places.

« Premier match de préparation, c’était plein. Premier match de championnat, même chose. Magique !», apprécie l’entraîneur Stéphane Eberlin. Cette saison, le club de Nationale 1, enregistrant 4 016 spectateurs de moyenne à mi-championnat, se classe dans le Top 10 des meilleures affluences du basket français (voir tableau), toutes divisions confondues !

Devant des institutions comme l’Élan Béarnais en Pro B ou des bastions de l’élite comme Roanne et Dijon. Avec onze guichets fermés sur les quinze premières réceptions, et de nouveaux enregistrés depuis, la moyenne devrait grimper encore un peu d’ici la fin du championnat. Le nouveau Palais est né, et bien né.

TERRE BASKET

« Quand j’ai signé ici, j’ai vu à quel point c’est un territoire de basket », témoigne Eberlin. « Depuis que je suis là, on me parle tout le temps d’anciens joueurs, ça a vraiment marqué la population locale. » CBC, marque historique : Vincent Collet, George Eddy, Fred Forte ou encore Nicolas Batum en jeunes ont porté ce maillot, et surtout le club figurait parmi les grands de France dans les années1970, vice-champion en 1977 et 1979 et même demi-finaliste européen de la Coupe des Coupes 1977.

Stéphane Eberlin, le coach du Caen Basket Calvados.

C’était l’époque des frères Galle, d’Yves-Marie Verove, Didier Dobbels, Bob Riley… L’âge d’or, auquel a succédé la dégringolade : rétrogradation en N4 en 1997. Remonté de façon éphémère en LNB (en Pro B de 2017 à 2019), le CBC se structure en 3e division depuis cinq ans. « Caen est une ville sportive, le foot fait 14 000 spectateurs en L2, c’est plein au hockey, il y a 2 500 personnes au handball, mais on sent qu’il n’y a qu’une envie : que le CBC retrouve sa place en LNB », poursuit Eberlin.

 

LE TOP 10 DES AFFLUENCES EN FRANCE

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Dans le détail : sept clubs de l’élite, deux en Pro B, et donc le CBC en N1.

Dans cette mission remontée, le passage de l’ancien Palais (3 000 places) au nouveau – qui a couté 40 M€, financés par les collectivités – marque un tournant. « Ce Palais était espéré depuis des dizaines d’années », resitue le président du CBC, Loic Adriaenssens.

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Mounir Bernaoui, aillier fort -2,05 m. Au CBC depuis 2022.

« L’ancien était un chaudron bouillonnant, mais pour le développement du club, on était au bout de quelque chose : on recevait nos partenaires dans une tente, avec un nombre de places extrêmement limité. » La donne a changé avec la nouvelle enceinte, comparée par le président a « une mini arena américaine ».

 

+20% DE BUDGET

Avec déjà près de 100 % de remplissage, les politiques ont-ils vu trop petit ? « La saison dernière, on faisait 2 700 de moyenne dans une salle de 3 000. Ajouter 1 200 places, ce n’est pas rien », répond Eberlin. « La taille du Palais a été longuement discutée, on a trouvé ce terrain d’entente. Aujourd’hui, comme on fait le plein, on pourrait dire qu’on aurait dû monter à 10 000 ou je ne sais quoi, mais il faut aussi savoir s’arrêter », enchaîne Adriaenssens.

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Loïc Adriaenssens, le président du Caen Basket Calvados.

« Depuis septembre, les gens ont envie de voir la nouveauté, et la série de victoires est un élément facilitant, c’est l’analogie du vent dans le dos. Mais ce qui m’intéresse, c’est la saison d’après : combien on aura de personnes si on perd quatre matches de suite ? C’est pour ça qu’il faut aller au-delà du basket. »

“L’OBJECTIF EST D’ABORD DE MONTER EN PRO B, ENSUITE DE S’Y INSTALLER. APRÈS, IL EST PROBABLE QUE ÇA NOUS CHATOUILLE, À SE DIRE : AU-DESSUS, EST-CE SI LOIN QUE ÇA OU EST-CE ACCESSIBLE ?” Loïc Adriaenssens

 

Et justement, le président, au-delà du remplissage, se satisfait d’accueillir un nouveau public. Avant, le Palais était visité par des aficionados de basket. Aujourd’hui, on a changé d’envergure. 50 % des gens viennent d’abord pour voir un spectacle. C’est pour nous une ouverture économique gigantesque. Sans avoir fait bondir les prix des places – « On fait le choix de rétablir les tarifs pour les partenaires à hauteur de la qualité de la réception, mais de ne pas bouger ou très peu pour le grand public pour permettre au plus grand nombre de participer à la fête », explique le dirigeant.

 

Le nouvel outil ouvre le champ des possibles : « On une augmentation financière de l’ordre de 20 %. Plus quelques pourcents du fait de l’engouement de partenaires qui voulaient vraiment être de l’aventure », continue Adriaenssens, à la tête d’un budget passé d’1,7 a plus de 2 M€, dont 85 % de ressources privées.

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Earvine Bassoumba, pivot – 2,06m. Au CBC depuis 2022.

En revanche, voir Nicolas Batum monter dans le train n’est pas à l’ordre du jour. Lui qui annonçait il y a dix ans son soutien au CBC a depuis suivi un autre chemin en rejoignant Lyon-Villeurbanne. « Ce ne serait pas de refus, mais je le sais déjà engagé avec l’ASVEL », confirme le président.

14-1 À DOMICILE

La différence est frappante. Au moment de notre bouclage, fin mars, le CBC affichait un bilan de 7-8 à l’extérieur et 14-1 à domicile. L’effet Palais ! Les hommes d’Eberlin n’ont plus perdu sur leurs terres depuis la douche froide subie lors du premier match officiel dans leur nouvelle salle, fin septembre (82-83 contre Boulogne-sur-Mer).

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Dunky, la mascotte du Caen Basket Calvados.

« L’alchimie s’est faite tout de suite entre l’équipe et le public », réagit le coach. « Cette ambiance contribue à la victoire. Dans une salle pleine, tu vas chercher de l’énergie au plus profond de toi parce que les gens te poussent.

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Marc Eddy-Norelia, ailier fort pivot 2,01m. Au CBC depuis 2024.

Il y a des soirs où tu te sens presque en lévitation. Jouer devant 4 000 personnes en troisième division, ça peut tétaniser certains joueurs et en galvaniser d’autres. Là, on a un groupe qui se nourrit de ce public. « Pour prendre l’ascenseur, Eberlin, qui a déjà guidé par deux fois Souffel de la N1 à la Pro B, a bâti un effectif dense, avec onze joueurs passant entre quinze et vingt-cinq minutes sur les parquets.

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Antoine Rejewski, arrière-1,95m. Au CBC depuis 2023.

« La difficulté est que tout le monde accepte de jouer une vingtaine de minutes en moyenne, ce qui veut dire que certains matches, ce sera dix, et d’autres trente. Mais quand les mecs signent ici, ils le savent », assume-t-il.

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Yann Siegwarth, meneur, 1,85m. AuCBC depuis 2023.

Au classement des top-scoreurs de N1, il faut descendre jusqu’au 46e rang pour trouver le premier joueur du CBC, Yann Siegwarth (11,6 points), et pourtant l’équipe est celle qui marque le plus du championnat (85,6 points). L’explication se trouve facilement : six garçons apportent 9 unités minimum, et le CBC, fort de cette capacité à puiser dans son effectif, opère en rouleau compresseur.

MISSION PRO B

Fin mars, le CBC, 2e, pointait à une longueur du leader (Avignon-Le Pontet). Dans le viseur :la première place, synonyme de montée directe, pour éviter de passer par d’incertains playoffs. Avant même le premier match de la saison, le club ne s’est pas caché, rendant publique son ambition de retrouver la Pro B – ou le budget moyen flirte avec les 3 M€. « Je préfère être clair. C’est trop facile de dire : on va faire le maximum.

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Je préfère dire : on met tous les moyens pour atteindre notre objectif », commente le président. « Il fallait que les joueurs sentent aussi qu’ils sont dans un projet clair, tout le monde doit savoir où on doit aller. Après, va-t-on y arriver, c’est un autre débat. » « Vu les moyens, l’outil, on ne s’est pas caché, mais on savait dès le départ qu’il y aurait sept-huit prétendants pour deux montées seulement », enchaîne l’entraîneur. « Avec ce Palais, cet engouement, je pense que la place de Caen est en Pro B.

 

Mais pour ça, il faut déjà gagner des matches !» Structurellement, le CBC s’estime déjà prêt. « Ce qui manque, c’est un centre de formation pérenne ou confirmé, ça prend des années. Pour le reste, je pense qu’on ne manque de rien : on a l’environnement, les partenaires, l’engouement, le Palais, les structures financières privées qui nous permettent d’être stables par rapport à des structures publiques qui peuvent aller et venir.

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Les cartes sont dans nos mains, essayons de construire sur le long terme », appelle Loic Adriaenssens. Avec l’élite dans un coin de la tête. « L’objectif est d’abord de monter en Pro B, ensuite de s’y installer. Après, il est probable que ça nous chatouille, à se dire :au-dessus, est-ce si loin que ça ou est-ce accessible ? C’est bien trop tôt pour se projeter, mais comme toute entreprise, quand les conditions sont réunies, il faut avoir de l’ambition. Toute une ville ne demande que ça.

 

PIERRE SALZMANN-CROCHET  : PLUS QU’UNE VOIX

Au CBC, beaucoup lui attribuent une part de réussite quant à l’ambiance au Palais. Le speaker du club, qui officie également à l’ASVEL, est reconnaissable pour ses 2,08 m, sa voix de ténor. Toute l’énergie qu’il dégage déferle comme une revanche sur son enfance cabossée.

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Pierre Salzmann-Crochet, le speaker vedette du Caen Basket Calvados.

À chaque fois qu’il passe à côté du lycée qui, des années plus tôt, lui a indiqué la porte pour « problèmes de santé trop récurrents », il sourit. Pierre Salzmann-Crochet (32 ans le 10 avril) revient de loin, de treize opérations à l’adolescence pour réparer les malformations osseuses développées durant sa croissance.

« À un moment, la question se posait de savoir si j’allais remarcher. » Aujourd’hui, il a abandonné fauteuil roulant et béquilles et, les soirs de match, dépliant son squelette de 2,08 m, il court sur le parquet du Palais des Sports pour inviter les milliers de spectateurs à participer à la fête. « Si tout ce que j’ai eu comme problèmes m’a valu d’en arriver là, ce n’était pas facile mais ça en valait le coup.

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Je ne changerais rien », dit cet enfant de Caen biberonné à la grande histoire du CBC. La première fois qu’il a pris le micro, c’était « pour présenter les copains » à un tournoi jeune à Tours. Speaker, une vocation ? « J’ai toujours été réputé pour ma non-discrétion. Je parle très fort », sourit celui qui, dès la maternité, avait été surnommé Pavarotti par les sage-femmes. Accoler sa voix de ténor a sa passion du basket, déjà ado, ça l’amusait.

Au jeu vidéo NBA Live 2001, quand ses potes zappaient la présentation des équipes, lui adorait l’écouter. « Je m’amusais même à imiter la souris qui présente les Looney Tunes dans Space Jam. » Aujourd’hui, voilà dix ans qu’il ambiance les parquets professionnels. A Mondeville depuis 2014, se sont notamment ajoutés Caen et l’ouverture vers le gratin européen avec l’ASVEL en Euroleague.

Au total, environ100 matches par saison. Une présence qui récompense son travail, fruit de l’inspiration des « trois meilleurs speakers français, Alain de Senne, Jamil Rouissi, Vincent Royer » et de la référence américaine Michael Buffer, « célèbre pour son let’sget ready to Rumble », ainsi que du développement de sa propre patte. « On m’appelle le speakerfou. J’ai le côté grosse voix, le côté show à l’américaine, le côté geek – beaucoup de sons que j’utilise viennent des jeux vidéo – mais les gens retiennent surtout le côté folie/humour. »

Aussi les soirs, micro en main, Pierre Salzmann-Crochet scande, interpelle le public, et il court, encore et encore. « Mon coach râle parce qu’il trouve que je cours plus en tant que speaker que pendant nos propres matches ! Et il a raison… », dit-il en s’esclaffant. Un rire franc. Un rire fort, évidemment.

Extrait du numéro 84 de Basket Le Mag (avril 2024)

Retrouvez l’intégralité des articles dans le numéro 84

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