Mike James, Alpha Diallo, Donta Hall et Donatas Motiejūnas sont restés. Élie Okobo, Adrien Moerman, Yoan Makoundou ou encore Jordan Loyd sont arrivés. Sur le papier, Monaco aligne l’un des plus beaux effectifs de l’histoire de la LNB.

Par Yann Casseville

Quand Mike James parle de basket, il est souvent intéressant de l’écouter. Bien qu’il soit un homme de peu de mots face à un micro, n’appréciant guère l’exercice de l’interview – euphémisme –, il peut toutefois, lorsqu’il s’agit de jeu et qu’il a envie de s’exprimer, livre des analyses argumentées, avec son vécu au très haut niveau et sa connaissance du quotidien d’un vestiaire. Surtout, il ne manie pas la langue de bois.

Invité par le site Basketnews à revenir sur l’intersaison en Euroleague, l’arrière devait livrer son Top 5 des signatures de l’été. Il a commencé par Will Clyburn à Efes et Nemanja Bjelica au Fenerbahçe, et en troisième position, plutôt qu’un joueur, a choisi un club : Monaco. Ni par démagogie – pas le genre du bonhomme –, ni pour une signature en particulier, mais pour l’ensemble du recrutement. «John (Brown) apporte son énergie, une autre présence défensive à l’intérieur. (Adrien) Moerman apporte de l’expérience, une autre menace extérieure, de la défense. Jaron (Blossomgame) était dans l’équipe idéale de l’Eurocup. Élie (Okobo) et Jordan (Loyd) vont beaucoup nous aider. Nous avons signé un jeune Français athlétique (Yoan Makoundou), et il y a mon gars de l’ASVEL (Matthew Strazel). Je l’adore, il joue dur.» La liste des arrivées fait briller les yeux. Et confirme qu’après une première année surprise et réussie dans le grand monde européen, le club, qui a enclenché une nouvelle vitesse depuis qu’Aleksei Fedorychev (patron de Fedcom) a pris la présidence, n’espère pas seulement confirmer : Monaco veut briller.

Enfin des joueurs français !

On peut trouver cent raisons expliquant la défaite des hommes de Saša Obradović au match 5 de la finale de Betclic Élite contre l’ASVEL. Ici, un lancer manqué, là, une balle perdue… Mais un élément a sauté aux yeux : l’implication fluctuante des joueurs étrangers une fois la campagne d’Euroleague terminée. Soulignant la faille d’un effectif pourtant rutilent : la part réduite à la portion congrue des JFL. Ceux de la Roca Team (Léo Westermann, Yakuba Ouattara, Jerry Boutsiele et Ibrahima Fall Faye) ont inscrit 16% des points contre 49% à l’ASVEL en finale.

Conscient de ce manque, le GM Oleksiy Yefimov nous disait vouloir trouver «un meilleur équilibre» entre Français et étrangers. Et le club du Rocher a frappé très, très fort. Il a séduit le MVP de la finale, Okobo, et chipé un deuxième joueur à l’ASVEL, Strazel, tout en convaincant Ouattara de prolonger, alors qu’il était justement courtisé dans le Rhône. Il s’est offert avec Moerman un double champion d’Europe en titre, tricolore expatrié depuis son départ de Limoges en 2015, et avec Makoundou un néo-membre du Team France Basket en pleine progression.

Élie Okobo, bourreau de Monaco avec l’ASVEL. (LNB)

Tout en réussissant cette mise à jour spectaculaire de son contingent JFL, Monaco est parvenu à conserver certains de ses meilleurs étrangers : Alpha Diallo, Donta Hall, Donatas Motiejūnas, et bien sûr Mike James. Lui qui n’a jamais enchaîné deux saisons complètes sous le même maillot a rempilé pour deux ans. Il illustre l’une des caractéristiques de l’intersaison monégasque : la volonté de construire dans la continuité avec des contrats longue durée. Quatre ans pour Makoundou, trois pour Strazel, Diallo et Hall, deux pour James, Okobo, Brown et Loyd… Dans un milieu en perpétuel mouvement, cela ne signifie pas que chaque joueur restera sur le Rocher, mais en cas de velléités de départ ou d’offres supérieures venues d’ailleurs, les dirigeants seront en position de force pour négocier.

Et au rayon des non-JFL, en plus de prolonger ses cadres, Monaco a attiré deux joueurs référencés en Euroleague, l’arrière Jordan Loyd, l’un des meilleurs attaquants du circuit (14,4 points au Zénith, après avoir brillé à l’Étoile Rouge sous les ordres de Saša Obradović), et l’intérieur John Brown III, formidable energizer et roi de l’interception. Est également venu se greffer le dynamique Jaron Blossomgame, dominant en Eurocup.

Le lifting estival de la salle Gaston-Médecin, dont la capacité a été réhaussée à 5 000 places, apparaît bienvenu : Monaco a monté l’une des équipes les plus athlétiques et excitantes du continent.

John Brown, nouveau chouchou de Gaston-Médecin ? (VTB League)

Du jamais vu ?

«Quel que soit le cinq de l’équipe, à chaque fois c’est un cinq potentiellement en playoffs d’Euroleague. Avoir autant de joueurs de ce niveau, c’est quand même fou ! Sur le papier, c’est impressionnant. L’ASVEL aussi, avec De Colo et Lauvergne, mais Monaco, c’est quand même extrêmement impressionnant», insiste Elric Delord, l’entraîneur du Mans. «Impressionnant», un mot repris par J.D. Jackson : «C’est sûr que le talent est là. J’aimerais bien voir l’équipe aller au Final Four, ils ont le potentiel pour le faire», estime le coach de Gravelines-Dunkerque.

«Quel que soit le cinq de l’équipe, à chaque fois c’est un cinq potentiellement en playoffs d’Euroleague. Avoir autant de joueurs de ce niveau, c’est fou !» (Elric Delord)

De là à en faire la plus belle escouade de l’histoire de la LNB ? «Il faut déjà voir s’ils vont être plus forts que la saison dernière !», s’amuse Jackson. «Je me rappelle les belles époques de Pau, où même si on avait moins le choix en termes de joueurs étrangers, on avait aussi de très beaux noms, et chez les Français, on avait les meilleurs», se remémore Fred Fauthoux, néo-coach de Bourg-en-Bresse, ancien meneur de l’Élan Béarnais du temps de sa splendeur. «C’était beau en termes de noms mais aussi en termes de jeu.» Tout comme J.D. Jackson se souvient de Limoges champion d’Europe en 1993 : «C’était une équipe tellement en place… Tous les rôles étaient clairs et définis.»

 

Les entraîneurs interrogés au sujet du groupe du Rocher rappelle une donnée fondamentale : la différence entre un assemblage de noms et une équipe. «Le papier, ça ne veut pas dire grand-chose», commente Fauthoux. «Le talent, on peut l’assembler avec l’argent. La complicité, les affinités entre joueurs, ça se développe quand ils sont ensemble. Donc on va laisser Monaco commencer la saison», sourit Jackson alors qu’on le questionne sur la place de la Roca Team parmi les plus beaux effectifs vus en LNB.»

Il n’y a toujours qu’un ballon…

Pour Saša Obradović, tout l’art du coaching sera de pianoter avec doigté sur le banc et de savoir gérer les egos. «Il n’a a qu’un ballon et que 200 minutes à distribuer par match. S’il y en a un qui prend les tirs, ça ne sera pas l’autre. Il faut que la mayonnaise prenne», dit Elric Delord. À première vue, l’interrogation majeure concerne la propulsion arrière James (3e marqueur et passeur d’Euroleague), Okobo (6e marqueur et 13e passeur), Loyd (16e marqueur et 15e passeur), un trident offensif de très haut vol. Comment James, aussi talentueux qu’imprévisible, voire caractériel – ses prises de bec avec Zvezdan Mitrović ont coûté son poste au coach –, va-t-il cohabiter avec deux autres attaquants de ce pedigree ?

«Les signatures d’Élie Okobo et Jordan Loyd, pour être honnête, j’étais un peu sceptique au début : comment ça va fonctionner ? » (Mike James)

«Évidemment, j’avais connaissance de ces signatures un peu avant tout le monde. Et pour être honnête, j’étais un peu sceptique au début : comment ça va fonctionner ?», a reconnu l’intéressé dans le podcast de Basketnews. «Maintenant ça va mieux, après avoir parlé avec Élie et Jordan, pour savoir comment ils voyaient les choses. Et j’ai travaillé un peu plus mon jeu sans ballon, parce qu’ils ont tous les deux besoin aussi d’avoir la balle pour s’exprimer. Je ne peux pas être borné et la garder pour moi. Il va simplement falloir un peu de sacrifice, de la part de tout le monde.» Et James de conclure qu’avec de la communication, l’entente se ferait dans ce trio appelé à dynamiter toutes les défenses d’Europe.

Cette fois, le titre !

L’an dernier, la priorité pour Monaco, invité en Euroleague, était de se qualifier aux playoffs européens pour prolonger son bail. Cette saison, le club, qui rêve de Final Four, entend poursuivre sa progression continentale afin de convaincre les dirigeants de l’Euroleague de lui donner une licence, mais son rééquilibrage JFL/non-JFL indique également que sa soif de titre en Betclic Élite n’a jamais été aussi grande.

Adrien Moerman, une recrue phare de l’été. (Anadolu Efes SK)

Depuis sa remontée dans l’élite française en 2015, la Roca Team a buté à trois reprises en finale, à chaque fois lors du cinquième match : en 2018 à domicile face au Mans (74-76), en 2019 à l’Astroballe sous la canicule et en 2022 toujours à l’Astroballe, en prolongation. En ajoutant la demi-finale en 2016 et le quart en 2017, l’ASVEL a barré quatre fois la route du titre à son rival.

En 2023, Lyon-Villeurbanne ou une autre équipe française sera-t-elle en mesure de contrecarrer les plans de l’armada monégasque ? Les ambitions de Monaco sont «encore plus élevées que lors de la saison précédente», a déclaré Saša Obradović, précisant : «Et on ne doit pas s’en cacher». Personne n’en doutait. Au contraire, toute l’Europe l’a remarqué.

Extrait du numéro 66 de Basket Le Mag (Septembre 2022)