Premier joueur né en Europe à avoir rejoint la NBA, le Néerlandais a connu un parcours chaotique.

Par Didier LE CORRE

La vie offre parfois de sacrées revanches. Le destin de Swen Nater est celui d’un enfant, puis d’un adolescent qui a toujours vécu dans l’ombre et l’indifférence, avant que le basket pro ne s’intéresse à lui. Ré-embobinons la vidéo…
Né à Den Helder, aux Pays-Bas, Swen a trois ans lorsque ses parents divorcent. Peu de temps après, sa mère se remarie et, du fait d’une situation très précaire, décide de quitter son pays pour tenter sa chance aux États-Unis. Nous sommes en 1956, c’est la dernière vague d’émigration européenne vers le nouveau continent. Swen a six ans. Ses parents ne peuvent emmener qu’un seul enfant. Ce sera le petit dernier de la famille. Swen et sa sœur sont alors confiés à un orphelinat. Ils y resteront trois ans. Mais leur mère tente, par l’intermédiaire d’une émission télévisée, It could be you (une sorte de Perdu de vue), de rassembler sa famille. Les producteurs de l’émission décident d’aller chercher les deux enfants aux Pays-Bas et les font gambader vers leur maman en direct sur le plateau. Larmes de joie et audimat garantis… Swen débarque ainsi dans un contexte très particulier aux États-Unis, à neuf ans. Il ne parle pas un mot d’anglais mais est déjà très grand. Sa taille va se charger de changer sa vie.
Il rejoint lycée de Wilson, à Long Beach, en Californie, là où la famille recomposée s’est installée. Il est grand certes, puisqu’il a poussé jusqu’à ses 2,11 m, mais lent et emprunté. Mais même au basket, on ne veut pas de lui. Son coach ne l’intègre pas dans l’équipe du lycée ! Il apprend, seul, dans son coin. Il rejoint alors pour ses études le Cypress College, à côté de la maison familiale. Un Junior College qui n’offre que deux ans de scolarité à ses étudiants, comme nos IUT. Là, il intègre enfin une équipe de basket même s’il ne joue pratiquement pas la première année. Mais notre Néerlandais est grand, très grand, et la prestigieuse UCLA, basée à Los Angeles, pas très loin de son campus, cherche alors un grand gabarit pour faire travailleur sa pépite qu’elle couve au poste de pivot : Bill Walton.
Nater n’est prévu que pour les entraînements. Le grand Néerlandais ne s’imagine même pas entrer en jeu. Mais à force de côtoyer le très doué Bill Walton, Nater progresse. Lentement, mais sûrement. Et à 22 ans, pour sa deuxième saison avec les Bruins, John Wooden l’envoie au feu. Invincibles, les joueurs de UCLA termineront la saison sur un parfait 30-0. Lui, culmine à 3,2 points et 3,3 rebonds.

Drafté en NBA

Entre temps, les Virginia Squires, une équipe de l’ABA, la ligue qui cherche à concurrencer la NBA, se sont intéressés à lui. Ne pouvant parier que sur des “coups”, les franchises de l’ABA osent tout. Les Squires le draftent en 1972, un an avant sa sortie de UCLA. Drafté aussi par les Bucks l’année suivante en seizième position, en juin 1973, Nater n’hésite pas et rejoint Virginia. La marche semble moins haute pour celui qui reste le seul joueur de tous les temps choisi au premier tour à n’avoir jamais démarré un match NCAA dans le cinq majeur de son équipe !
Et l’immense potentiel caché de ce grand blond très timide explose soudainement chez les pros. Acquis par les Spurs en cours de saison, Nater s’impose, au point d’être nommé Rookie of the Year de la seconde ligue ! Puis, tout s’enchaîne : meilleur rebondeur de l’ABA, All-Star de l’ABA. Il garde son rythme en NBA avec un titre de meilleur rebondeur en 1980. Au total, Nater, ce sera : 11 saisons, 722 matches à 12,4 points et 11,6 rebonds de moyenne. Quelle revanche !

Article extrait du numéro 17 de Basket Le Mag